Article #5 L'arrivée en Suisse

- En passant par la suspicion, le Gruyère, le lait frais et l'absinthe - 

Récit d'une aventure ayant eu lieu le 6 et le 7 octobre 2016

Hop Swiss !

L'arrivée en Suisse a été assez géniale. Deux jours marqués par les belles rencontres et les expériences intéressantes.

Commençons par ceux à qui ces deux qualificatifs iraient sans doute le moins bien mais sans qui la Suisse ne serait probablement plus le beau havre de paix et d'ordre qu'elle est aujourd'hui, je veux bien entendu parler de ces messieurs les douaniers.

Souvenez-vous dans le dernier article, ayant traversé la frontière aux Brenets, je vous faisais part de mon étonnement de n'avoir du rendre aucun "rien à déclarer" et de n'avoir vu personne au poste.

Et bien en fait, eux m'avaient bien vu parce que trois heures plus tard (après que j'ai disparu de leur radar, m'aventurant au Saut du Doubs) alors que je me remettais seulement en route, un combi bleu banalisé me dépassait et se parquait sur le coté de la route quelques mètres devant moi. 
Gros naïf que je suis, je me dis "chouette des copains qui vont me demander un truc" jusqu'au moment où je vois l'agent Robert la Moustache et son collègue s'extrairent de leur véhicule.
C'est parti pour un petit contrôle d'identité avec la discussion d'usage pendant que le collègue transmet mon identité au central: "Que faites-vous en Suisse ?" "Vous êtes bien chargé..." "Moi aussi, j'aime bien le vélo..." "Je vais faire la Via Rhona avec des copains, au début je voulais partir seul mais ils ont voulu venir..." Bla Bla Bla et puis boum, sorti de nulle part: "vous consommez des stupéfiants ?" "vous êtes bien sur que vous avez pas 2 grammes de shit quelque part là ?" "Parce que sinon on le chien à l'arrière du combi, ce serait dommage qu'il arrache vos belles sacoches là"
On peut dire qu'il était fort le mec, il a quand même réussi à me faire hésiter sur le fait que j'avais du shit ou non :D
Visiblement je l'ai convaincu d'être un honnête voyageur et ces messieurs (entre temps rejoint par 2 autres collègues qui discutaient bières/hockey pendant le contrôle) me laissent tranquillement repartir.
La Suisse peut dormir tranquille ces mecs là sont des pros, c'était un bon contrôle, en bonne et due forme, avec le respect et la politesse de rigueur mais franchement j'aimerai pas avoir quelque chose à me reprocher en étant face à eux.
Avec le recul, je regrette un peu de pas avoir pensé à leur demander une petite photo souvenir mais j'suis pas certain non plus que ce serait passé :D

Bref, après cette sympathique entrée en matière je continuai ma route vers la vallée de la Brévine autrement connue sous le surnom de la petite Sibérie suisse. A la fois haut-plateau et vallée montagneuse, des températures records négatives y sont souvent mesurées. Le 12 janvier 1987, le mercure a été enregistré à -41,8° ! Autant vous dire que j'étais content d'y passer un 6 octobre.

Belle vallée en tout cas, toute en longueur. Des kilomètres de prairies bordées de quelques routes, d'écuries (étables pour les Suisses), de fromagerie, de montagnes et de petits villages typiques.
Sur la route traversant toute la vallée, je m'arrête pour prendre en photo de quelques chose qui ferait marrer n'importe quel non-Suisse. Attenant à la fromagerie, il y avait là un distributeur de fromage accessible  24/7. C'est sans doute ça le progrès: à toute heure de la journée ou de la nuit le Suisse peut aller se chercher les ingrédients nécessaires à la préparation de sa sacro-sainte fondue :D

Je rigole, ne tirez pas x)

En tout cas me voilà à l'arrêt devant cette fromagerie en train de prendre ma petite photo quand le fromager sort pour, justement, réapprovisionner le distributeur. 
Echange de regard et manifeste incompréhension de sa part. Je lui explique alors que de là où je viens, un distributeur à Gruyère, on est pas prêt d'en voir. Et la discussion se lance, je lui explique un peu ce que je fais et où je me rend, il me propose de rentrer un peu pour jeter un oeil à la carte et aussi pour se mettre à l'abri du froid (la sibérie Suisse vous dis-je).
Je ne fais un pas dans la fromagerie que le fromager remarque que je regarde toutes les machines avec intérêt. Après avoir passé une semaine à m'intéresser à la fabrication du vin, ce genre de grosse machine en inox, ça ne me laisse plus vraiment indifférent.
Et, naturellement, l'explication sur le processus de fabrication du Gruyère commence, de l'arrivée du lait à la revente à l'affineur. Stéphane aime ce qu'il fait et aime le faire partager, il me montre tout, les cuves, les moules, la saumure, et la cave ! Lorsqu'il a ouvert cette porte, c'était comme si un grand trésor se révélait à moi. C'est là que je lui ai dit "tu me permettrais d'aller chercher l'appareil photo s'il te plait ?".
Tous ces fromages couleur or, tout ce savoir-faire, c'était quelque chose :)
Merci Stéphane de m'avoir permis de découvrir cet univers, merci pour la dégustation, merci pour le bloc de Sybérien, un pur régal.
Bonne continuation à toi et longue vie au Gruyère alors ;)

Et il fallu me remettre en route, très heureux de cette expérience inattendue et ma foi, inespérée.

Je continuais donc ma route le long de cette route traversant la vallée et voilà que je dois m'arrêter pour laisser traverser un troupeau de belles vaches rentrant à l'écurie. Leurs propriétaires sont sympas et me vannent un petit peu, c'est pas tous les jours qu'ils voient passer quelqu'un à vélo avec autant de bagages.

Une fois la route dégagée, je repars et m'arrête un plus loin pour les prendre en photo dans l'autre sens. Là, je comprends que je si ne fais pas demi tour pour aller leur parler et essayer de rentrer dans l'écurie pour voir comment la traite se passe, je le regretterai c'est sur.

Et c'est avec plaisir que ces 4 là m'accueillent après que j'ai donné un coup de main pour rabattre les vaches vers l'écurie. (Good cow-boy expérience left from New Zealand :D).
Marcel, Claude, Chantal et Mélissa sont très curieux de savoir qui je suis et sont très heureux de constater que ce qu'ils font m'intéressent beaucoup. Marcel décide très vite qu'il faut célébrer la rencontre en ouvrant une bouteille de rosé, santé !
Ensuite on se met au travail, enfin surtout eux, moi j'observe et essaye un peu.
Les vaches doivent être traites deux fois par jour, et la production est directement envoyée chez notre ami Stéphane qui se chargera de la transformer en bon Gruyère.
Mais le temps passe et le soleil décline, il me faut partir si je veux pouvoir trouver un endroit de bivouac avant qu'il ne fasse nuit.

Très sincèrement je vous remercie pour votre accueil si chaleureux, j'ai pris un plaisir fou à vous côtoyer l'espace d'une heure, ne changez rien. Si je repasse un jour dans le coin, pour sur, je viendrai vous saluer ! Et merci aussi pour le saucisson Marcel, il était extra !

Mais pas encore tout à fait parti, je ne pouvais pas refuser l'invitation de Mélissa d'aller jeter un oeil à son atelier d'horlogerie, situé chez elle, juste en face de la ferme. 
Il faut savoir que toute cette zone géographique est historiquement une région d'industrie horlogère et certains passionnés perpétuent la tradition. Et Mélissa en fait partie. 
Chouette immersion dans un univers nouveau, fait de rouages, d'engrenages, d'esthétisme et de précision. Chapeau Mélissa, l'horlogerie est un art et tu m'as permis de m'en rendre compte. Bonne continuation à toi dans tes projets :)

Quelle journée ! Il était vraiment temps de me trouver un petit coin tranquille pour passer la nuit. Ce qui fut chose faite sur un petit relief, assez écarté de la route à l'abri des sapins, non sans avoir eu le plaisir de déranger deux chevreuils. La rencontre immortalisée, je pouvais monter ma tente, réchauffer une conserve et profiter du coucher de soleil. Belle journée !

Le lendemain, je poursuivais ma route. Je changeais de vallée et passais par le Val de Travers, célèbre pour être le berceau historique de la production d'absinthe.
Tiens, un apéritif anisé que je connais déjà un peu, la journée s'annonce intéressante ! Et dans le genre intéressant, l'absinthe à bien des choses à raconter, elle qui s'est vue interdite à la vente et à la consommation un jour funeste de 1910. 
L'état suisse a purement et simplement décidé son illégalité prétextant que la consommation de celle-ci rendait les gens fous. A coup de campagne de propagande et de matraquage dans les médias de l'époque la loi a pu trouver grâce aux yeux de la majorité de la population et l'absinthe est alors devenue clandestine. 
Non l'absinthe ne rendait pas fou, pas plus qu'un autre alcool si consommé en trop grande quantité. Son tort était de faire de la concurrence au lobby du vin suisse. En effet l'absinthe (quoi que devenue un produit de luxe aujourd'hui, surtaxé) ne coutait presque rien à produire et donc avait peu de valeur à la revente. Mais les gens adoraient ça.
Les Van Gogh, Manet, Degas ou Picasso en ont témoigné dans certaines de leurs oeuvres. Oscar Wilde a écrit : 

"L'absinthe a une couleur magnifique, le vert. Un verre d'absinthe est tout aussi poétique que n'importe quoi d'autre au monde. 
Quelle différence y-a-t'il entre un verre d'absinthe et un coucher de soleil?"

Les gens adoraient ça et c'est pourquoi la production n'a jamais vraiment cessé. Seulement elle était devenue clandestine. Les distillateurs ont du rivaliser d'ingéniosité pour que puisse continuer la production. Machine à laver qui se transforme en alambic, caches dans les maisons, chassé croisé avec les autorités de Berne... Sacrée période que ça du être là.

L'absinthe est restée clandestine jusqu'en 2005. Après quoi, les distillateurs clandestins ont pu ainsi sortir de l'ombre et faire connaitre au monde leur produit. Ce qui est intéressant c'est que chacun dans son coin a pu faire évoluer sa recette et qu'on trouve donc maintenant quantité de petite absinthe indépendante, ayant chacune leur goûts et leurs spécificités.

Si tout ça vous intéresse, c'est assurément dans le val de Travers qu'il faut vous rendre. N'hésitez pas à pousser l'une ou l'autre porte des distilleries situées tout au long de la route touristique dite "de l'absinthe" et d'aller ainsi à la rencontre des sympathiques producteurs qui, avec plaisir, vous feront déguster la fée verte, surnom parmi d'autres de l'absinthe.

Pour ma part j'ai visité la "maison de l'absinthe", musée intéressant à la scénographie bien orchestrée.
J'ai ensuite fait une dégustation très généreuse à la Distillerie du Val-de-Travers. J'ai pu y gouter les 2 types d'absinthe, blanche ou verte. Selon s'il y a eu macération à la sortie de l'alambic ou non. 
Le service de l'absinthe est tout un rituel, avec sa fontaine à eau glacée, qui, gouttes à gouttes, vient troubler la bleue, autre surnom de l'absinthe (pour ses reflets nacrés lors de sa dissolution). On peut déguster l'absinthe avec ou sans sucre, selon ses goûts. Pour ma part, une bonne absinthe se goutera telle qu'elle est.

Une chose est sure en tout cas, je peux vous assurer qu'après avoir repris mon vélo, je chantais ! Quelle chance de pouvoir vivre tous ces moments privilégiés avec les gens, quelle chance de pouvoir réaliser un rêve jour après jour et quelle chance que tout se passe si bien ! Je ne sais pas qui je dois remercier mais merci, à tous !

La suite de ma route m'emmènera à Baulmes, joli village jurassien où vivent des amis à qui je veux rendre visite. Ensuite direction la belle ville de Lausanne où je sais être le bienvenu pour quelques jours, vivent les amis ! :)

Biz à tous, merci de me lire et à bientôt.

La vallée de la Brévinne, petite Sibérie suisse.

La fromagerie de la Chaux et son distributeur à fromage 24h/24h. La rencontre avec Stéphane et la visite de la fromagerie. Mangez du gruyère mes amis :)

La chance de rencontrer Marcel, Mélissa, Claude et Chantal dans leur élevage de vaches laitières Charolaises.

Mélissa et sa passion pour l'horlogerie

Vive la rencontre, l'amitié et la générosité !

"Trouver un endroit où passer la nuit"

Le Val-de-Travers, la maison de l'absinthe et la distillerie du Val-de-Travers, à Môtiers.

En passant par Sainte-Croix, la descente vers le lac d'Yverdon et le village de Baulmes.

Comments

[Julie Dewit]

Et bien didonc si je m'attendais a lire un jour tes recits de voyage lol bien que l'on ce connaisse pas des masse n'ayant fait qu'une année d'éducateur a mons ds ta classe mais tes recits font rêver ^^ bonne continuation dans tes periples à venir ...